Pollution de l'air : les industriels contre-attaquent à Martigues
L'union patronale demande à la justice de déclarer irrecevable la plainte de l'association ADPGLF. Celle-ci sera déposée demain pour "mise en danger délibérée de la vie d'autrui".
"Les industriels ne sont pas des assassins". C'est le titre choc d'un communiqué publié hier par l'Upe 13. Johan Bencivega, président de cette instance représentant les chefs d'entreprise, entend ainsi prendre les devants, avant la plainte que l'association ADPLGLF (Association de défense et protection du littoral du Golfe de Fos) va déposer demain après-midi à Aix-en-Provence. Celle-ci, comme annoncé lors d'une réunion publique du 17 octobre à Fos (Lire La Provence du 18), a décidé d'aller en justice en portant plainte contre X pour "mise en danger délibérée de la vie d'autrui". En ligne de lire, la pollution générée par les usines, tout comme leur contrôle géré par les services de l'État.
Une première du genre dans la région, portée et financée par l'association, avec les conseils de deux avocates, Me Andreu et Me Games, dont le but avait été résumé d'une autre formule lapidaire par Daniel Moutet lors de cette réunion : "L'objectif c'est de faire peur, de provoquer une prise de conscience. Parce qu'une entreprise peut être condamnée pénalement. Ce qui a forcément un impact auprès de ses dirigeants." René Raimondi, maire de Fos-sur-Mer, avait néanmoins tempéré : "Il faut continuer à promouvoir l'industrie en France, c'est une réalité. Cette plainte, ce n'est surtout pas une déclaration de guerre contre l'industrie ! Nous voulons aussi viser les autorisations d'exploiter qu'on leur donne." Le cumul des pollutions est aussi régulièrement évoqué, de même que les dépassements de rejet des établissements, dont les avocates assurent avoir des preuves.
En portant plainte contre X, l'association "ne vise personne en particulier, mais tout le monde", comme l'avait expliqué Me Andreu. À ce jour, plus de 110 personnes ont souhaité s'associer à sa démarche, qui a donc provoqué cette réaction courroucée du président des patrons du département.
Daniel Moutet confirme que les plaintes seront bien déposées
Tout en mettant en avant un nouveau dispositif, la concertation baptisée "Réponses" (lire ci-dessous), le président de l'Upe 13 rappelle "que le vrai défi est avant tout de préserver la santé des populations, tout en maintenant et développant l'emploi. Les militants écologistes à l'origine de la plainte visent très directement des industriels locaux, dont l'activité serait accusée de provoquer des maladies chroniques graves. La qualification de "délibérée" présuppose un acte volontaire, voire prémédité, et s'utilise habituellement à l'encontre de criminels, d'assassins et relève d'une juridiction pénale. L'Upe 13 juge inacceptable que de telles accusations soient proférées à l'encontre de chefs d'entreprise."
Dans ce texte offensif, Johan Bencivega évoque aussi les efforts et les investissements des industriels. "Des sommes colossales, autour du milliard d'euros, ont été mises en jeu, et ça va continuer ! Comment peut-on croire qu'un industriel ne traite pas ce sujet, alors même qu'il passe ses journées sur son site ? Notre volonté, c'est de développer l'emploi et la santé, et pas l'un sans l'autre !".
La plainte de l'association fosséenne, Johan Bencivenga la qualifie encore de sabotage. "La démarche "Réponses" va nous permettre de tous nous retrouver, avec des gens qui auraient porté plainte les uns contre les autres juste avant ? C'est insensé et surtout triste de se servir de thèmes aussi importants à des fins bassement électoralistes, pour des gens dont c'est finalement le fonds de commerce. L'Upe 13 demande officiellement que cette plainte soit jugée irrecevable par la justice".
Daniel Moutet confirme que les plaintes seront bien déposées demain, alors que Johan Bencivenga espère encore l'inverse. Ce sera ensuite à la justice de se prononcer sur leur recevabilité.
Une concertation d'ampleur dans les mois à venir
Nom de code : "Réponses", pour "Réduire les pollutions en santé environnement". Une nouvelle démarche créée par le Secrétariat permanent pour la prévention des pollutions industrielles (SPPPI), dont le financement et le bon déroulement sont actés. Première structure du genre créé il y a quarante ans en France, celle-ci a évolué vers une forme associative, et a décidé d’ouvrir sa démarche vers la population des 21 villes riveraines de l’étang de Berre (soit environ 300 000 personnes). "C’est une première, indique Gwenaëlle Hourdin, déléguée générale du SPPPI. D’ordinaire, notre cœur de métier, c’est la concertation sur l’environnement au sens large, et le développement industriel, à destination des cinq collèges qui nous composent : les associations, les collectivités, les industriels, les salariés. Mais au vu de la demande des populations, nous avons décidé de lancer cette large démarche, qui prendra corps au premier semestre 2019."
Le sujet a pris effectivement de l’ampleur ces derniers mois, au fur et à mesure que sortaient plusieurs études liant pollution atmosphérique, environnement et santé. "Comment démêler le vrai du faux, comment se faire sa propre idée en prenant connaissance de l’étude Scenarii faite par l’État, d’Index ou de Fos-Epseal ? Dans un premier temps, nous allons nous intéresser à la pollution atmosphérique, afin que tous ceux qui le désireront accèdent à des données fiables et reconnues. Les études ont créé beaucoup de tensions, il est nécessaire aujourd’hui de tout remettre à plat, avant de lancer des actions pertinentes".
Faire le lien entre la population et les acteurs, en ayant la volonté d’améliorer ce qui se fait déjà, c’est le but du SPPPI. "On ne peut pas dire que rien n’est fait, ni que tout est fait : il faut nuancer, tout en prenant en compte les questions et remarques de la population, puisque c’est de sa vie quotidienne qu’il s’agit."
Puisque chaque étude a apporté ses propres conclusions, notamment sur quatre types de polluants à surveiller selon Scenarii, l’essentiel est maintenant d’en tirer la quintessence. "Un comité de pilotage a été formé, qui va mettre en forme ces propositions. Les associations ADPLGLF, Fare-sud et Eco-Relais, la Métropole, les mairies de Vitrolles et Fos-sur-Mer, La Dreal Paca et l’agence régionale de santé, le Groupement maritime et industriel de Fos, la CGT et FO, le Cerege, Atmosud et le Grand port maritime de Marseille en font partie. " Objectif : "instaurer un dialogue constructif, impulser de nouvelles actions, offrir une information fiable et indépendante, puisque chaque collège finance le SPPPI à parts égales".
Une série de réunions et de rencontres sera organisée dès 2019.